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MARIE BENOÎTE FERTIN
SCULPTURE - INSTALLATION
Marie-Benoîte Fertin est une artiste plasticienne française, née à Angers en 1994. Elle est diplômée des Beaux-Arts de Paris.
L’univers de l’artiste est à première vue joyeux, drôle et ludique. Mais, lorsqu’on y regarde de plus près, ses œuvres, inspirées d’objets du quotidien tirent vers un rire grinçant, une mécanisation grotesque ou un détournement de leur utilité première. L’attraction sensorielle cherche à inciter le spectateur à détruire la sculpture : un bouton lumineux jaune met en route une ponceuse, un ticket à gratter emprisonné dans du savon stimule l’envie de l’utiliser, une manette permet de faire des crashtests à une sculpture télécommandée en biscottes...
Elle invente des techniques imitant la fabrication industrielle et crée ainsi un double décalé du réel en troublant la perception. On retrouve un ‘‘semblant de’’: semblant de chemise, de gants de ménage, de gilets de sécurité, de voûte étoilée ou encore de stand de fête foraine.
En 2018, l’artiste Joël Hubaut lui propose de participer à l’exposition Rikiki 2, regroupant des œuvres pas plus grandes qu’une carte postale : elle propose En grande pompe, une marche funèbre au rabais. De cette rencontre, Marie-Benoîte tire une grande partie de son travail, jusqu’à réaliser des œuvres littéralement ‘‘de poche’’ : qu’elles soient petites avec un semblant d’utilité (les briquets brodés de T’as du feu ? #2) ou, si elles ne tiennent pas dans le creux de la main, qu’elles puissent au moins se ranger dans une valise garde-robe (Motifs, Peaux sensibles, Chasse gardée).
Marie-Benoîte Fertin côtoie le monde du nouveau cirque et se reconnaît dans les dimensions performatives, ludiques et tragiques de cette forme de représentation. L’univers forain se glisse dans ses œuvres par certains résidus de folklore, et surtout par l’envie de se mesurer aux objets quotidiens dans une expérience à renversement. Pour son projet de fin d’étude à l’École des Beaux-Arts de Paris, Avec ou sans sucre ?, elle réalise une installation à mi-chemin entre la mélancolie foraine et l’esprit coloré et désuet du cirque. Vêtue d’un treillis camouflage coupé en queue-de-pie couleur rouge sang, elle présente des œuvres alliant peau de bête, pop-corn disproportionné, stand de glaces cinglant, fanions en larmes et vanité d’un canon à confettis.
C’est sans distinction avec son propre travail qu’elle collabore avec des artistes issus de la scène du cirque contemporain (Tsirihaka Harrivel, Vimala Pons, Anna Tauber, Fragan Gehlker). Les pièces ainsi créées sont alors activées par les formes de représentation plus directes de ces performeurs : costume ‘‘poil’’, costume ‘‘doppelgänger’’, pièce ‘‘mâchoire’’ de suspension. C’est dans la même démarche qu’elle se forme aux techniques de peinture pour les décors de théâtre afin d’approfondir ce sens de la représentation et du faux-semblant qu’elle applique depuis à ses propres œuvres (Ma plus belle coiffure).
Texte écrit par Ingrid Luquet-Gad pour le catalogue d'exposition des diplômés
Bio
« Depuis le romantisme, le bouffon, le saltimbanque et le clown, ont été les images hyperboliques et volontairement déformantes que les artistes se sont plu à donner d'eux-mêmes et de la condition même de l'art », écrit en 2004 Jean Starobinski dans Portrait de l’artiste en saltimbanque.
Ce cadre s’applique à bien des égards à l’univers de Marie-Benoîte Fertin. Certes, il y a l’association évidente à l’univers de la fête foraine, à commencer par Les Pleureurs, fanions colorés accrochés au mur et dédoublés au sol par leurs ombres délavées à l’eau colorée. Ou encore Dél’Ice, dont les cornets de glace s’autodétruisent sous l’action d’une ponceuse si par malheur un doigt curieux en venait à pousser le bouton jaune.
Mais chez Marie-Benoîte Fertin, le rire est grinçant comme du papier de verre. À vrai dire, le rapport plus profond au clownesque serait davantage à chercher du côté d’une mécanisation grotesque.
Le clown est angoissant parce qu’il est un pantin, et ainsi en va-t-il de Tumbleweed, un sac plastique baladé au vent par un moteur interne, ou encore de Pointure 38, performance associant un vrai corps et ses fausses prothèses le précédant : des bottes en caoutchouc chaussées sur un mécanisme en bois.
Quant aux vacances sous perfusion de Vers le cap vert ou aux gilets de chasse pour animaux de Chasse gardée, ils font carrément basculer le Portrait de l’artiste en saltimbanque dans le film d’horreur grinçant.
Reste alors, presque imperceptible, cette ultime impression émise depuis une appétissante boule de pop corn (L’enterrement de la grande mère) : une litanie morbide entremêlant vrombissement d’une mouche et marche funèbre jouée à l’orgue.
Mai 2019, Ingrid Luquet-Gad